Pour Bertrand Guérin, le biométhane est une des solutions à la décarbonation de l’agriculture. Il vient de mettre en route sur son exploitation une station de bioGNV qui ravitaille un tracteur, le T6.180 Méthane Power de New Holland, ainsi que huit véhicules de la ferme. Prochaine étape : vendre son biométhane épuré à d’autres acteurs du territoire.
« Je vois deux valorisations principales à la méthanisation : d’une part la production d’électricité et de chaleur pour l’usage de la ferme et d’autre part le biométhane épuré, qui peut être injecté dans les réseaux et utilisé comme carburant pour les véhicules », a expliqué Bertrand Guérin, vice-président de l’AAMF (Association des agriculteurs méthaniseurs de France) lors d’une conférence organisée par Trame au Sima 2022. Depuis septembre, il s’est lancé dans cette deuxième voie.
Déjà producteur de lait, de châtaignes et de noix en Dordogne, Bertrand Guérin dispose également d’une unité de méthanisation. Et il vient de mettre en route une station de bioGNV sur sa ferme après plus de trois ans de réflexion et de conception.
« On prend une petite partie du biométhane produit (4 à 5 %) qu’on épure. Il est ensuite mis dans des bouteilles grâce à un compresseur. À partir des bouteilles, un pistolet permet de faire le plein des véhicules directement sur la ferme », explique-t-il. Pour le moment, huit voitures et son tracteur, le New Holland T6.180 Méthane Power, se ravitaillent sur la station de la ferme.
« L’autonomie d’un véhicule roulant au bioGNV est un peu plus faible qu’un véhicule diesel : 350 à 400 kilomètres. Mais comme ils ne font pas de grosses distances et que la station est à la ferme, je ne trouve pas cela gênant ».
Objectif : 500 stations bioGNV à la ferme en 2025
Le coût de l’épuration étant assez élevé et pour trouver un équilibre économique, Bertrand Guérin veut ouvrir la vente du bioGNV à l’extérieur : « On a noué un partenariat avec la laiterie : le camion du laitier va venir se ravitailler sur la ferme, à partir de 2023. Des discussions sont en cours avec le conseil départemental pour les véhicules de services à la personne et avec la Région pour les bus scolaires. Mais ça prend un peu de temps car il faut fiabiliser la station : on a l’obligation d’assurer le service auprès des clients, car il n’y a pas d’autre station de bioGNV à proximité »
L’AMFF ambitionne de créer, d’ici 2025, 500 points de ravitaillement à la ferme pour l’usage de l’exploitation en priorité mais aussi du territoire. Outre le modèle présenté par Bertrand Guérin, d’autres existent par ailleurs, avec des types de station, des volumes et des implantations qui peuvent être très différents. Agribiométhane en Vendée, en est un exemple. C’est une station de bioGNV publique, sur le réseau, créée par quatre éleveurs. Des camions viennent faire le plein comme dans une station classique. 500 t de carburant y sont vendues par an. À l’inverse, certains agriculteurs ont opté pour des stations de plus petite taille, en « autoconsommation », avec un investissement de départ qui s’élève à 10 000 euros.
Le tracteur au biométhane, une des réponses à la décarbonation
Si du côté des stations bioGNV à la ferme, l’heure est plutôt au développement, au niveau du marché des tracteurs, le seul qui roule actuellement au biométhane est le T6.180 Méthane Power de New Holland.
« C’est le seul tracteur du marché fonctionnant avec des énergies alternatives », a expliqué lors de cette conférence Nicolas Morel, responsable marketing New Holland. « En 2009, on a présenté un tracteur fonctionnant à l’hydrogène mais il était 4 à 5 fois plus cher qu’un diesel. Nous avons donc fait le choix du biométhane. Avec ce tracteur, les agriculteurs peuvent produire leur propre carburant, il y a donc un aspect décarbonation et promotion de l’autonomie énergétique des exploitations agricoles ».
Et en termes de bilan carbone en effet, le résultat est plus que satisfaisant lorsque le biométhane est produit à partir d’effluents d’élevage. C’est en effet le seul « carburant alternatif » pour lequel l’empreinte carbone est négative.
Par rapport au moteur classique, celui au gaz est plus simple (pas d’additif, moins de complexité électronique), plus propre (pratiquement aucune émission de particules fines, ni d’oxyde d’azote), et plus silencieux. Mais la difficulté réside dans le stockage du biométhane qui prend quatre fois plus de place que le carburant diesel pour une même autonomie, explique Nicolas Morel. « Actuellement on a une capacité de 500 litres. En termes d’autonomie, le T6.180 Méthane Power peut donc travailler de 5 h (travaux intensifs) à 8 h (travaux plus légers). »
Si le coût du tracteur est environ 20 % plus cher à l’achat, l’agriculteur s’y retrouve sur le prix du carburant : « le coût du méthane reste actuellement intéressant en agriculture : entre – 20 et – 30 % par rapport au coût carburant à la journée d’un diesel », précise le responsable marketing.
Utiliser l’énergie déjà présente sur la ferme
En 2022, une dizaine de T6.180 Méthane Power ont été vendus à des agriculteurs méthaniseurs sur le territoire français. Le constructeur travaille désormais à développer la puissance moteur de ce tracteur au biométhane. Mais pour les autres engins, il faudra attendre : « Le méthane est une des réponses pour se passer du diesel fossile mais nous travaillons aussi sur les biodiesels de seconde génération (HVO, XTL). Car les ensileuses, moissonneuses-batteuses, etc… ne pourront pas être converties tout de suite à des énergies autres que le diesel », admet Nicolas Morel.
Pour Bertrand Guérin aussi, le biométhane est une solution pour décarboner rapidement l’agriculture. « Plutôt que de faire venir des camions de carburant pour faire tourner nos exploitations, les agriculteurs méthaniseurs peuvent utiliser de l’énergie déjà présente sur leurs fermes. Il n’y a pas besoin de beaucoup pour satisfaire les besoins de l’exploitation voire du territoire de proximité », conclut-il.